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CHAPITRE IV

LE ROMAN


Le développement du genre au xviiie siècle. — 1. Lesage ; son caractère. Le métier littéraire : accroissement de dignité, diminution d’art. Le Diable boiteux, Gil Blas : la question de Gil Blas est close. Originalité du livre. Réalisme pittoresque de la description. — 2. Marivaux romancier. Le roman psychologique et sensible. Le réalisme de Marivaux. L’abbé Prévost et Manon Lescaut. — 3. Le roman satirique et philosophique ; le roman érudit. Le roman à thèse : la Nouvelle Héloïse. Le roman à la fin du xviiie siècle.

Le roman est le seul genre d’art qui soit en progrès au xviiie siècle. Les grands classiques l’avaient négligé ; partant, il n’était ni usé, ni fixé. Abandonné à des écrivains amateurs, à des femmes, il se trouvait, au début du xviiie siècle, libre et souple, sans règles, à traditions multiples et flottantes, prêt à recevoir toutes les formes, â contenir toutes les pensées. Il passa au premier plan par la victoire du bel esprit français et mondain sur l’art antique : il fut naturel alors que le roman, qui avait toujours eu la faveur des gens du monde, devînt un des grands genres. L’élément proprement romanesque, la particularité des noms, des lieux, des faits flattaient la frivolité du public, et les besoins d’imagination et de sensibilité qui commençaient à s’y éveiller.

Le xviie siècle avait eu des romans nobles et héroïques, des récits burlesques et satiriques : entre les deux se trouvait le roman vrai. Partie du genre héroïque, Mme de la Fayette achemina le roman vers la vérité. Le goût des lecteurs y poussait : les médiocres romans historiques que donnent les imitatrices de Mme de la Fayette[1], les méchants mémoires apocryphes que

  1. Mme de Fontaines, Histoire de la comtesse de Savoie. Mme de Tencin, Mémoires du comte de Comminges ; le Siège de Calais ; Anecdotes de la cour d’Edouard II.