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transition vers la littérature classique.

lassitude générale que par une intime solidité d’organisation ; qu’elle reste livrée à tous les hasards de la fantaisie individuelle ; de toutes parts on aspire à l’ordre, à la stabilité, à l’unité. C’est le cri général : Henri Estienne protestait contre le débordement de l’italianisme, au nom du « pur et simple » français : il est vrai que le latinisme ni l’hellénisme ne l’effrayaient. Mais Vauquelin prescrit d’être chiche et caut à former des mots nouveaux. Du Perron, dans sa Rhétorique sacrée, parle de fixer la langue. Étienne Pasquier estime que les changements n’ont pas été toujours des progrès, conseille de laisser la langue digérer ce qu’elle pourra des latinismes qu’elle a déjà absorbés, et rejeter le reste ; et, pour l’enrichir à l’avenir, il compte sur l’exploitation des matériaux que l’usage du peuple fournira. Montaigne, nous l’avons vu, est d’un avis pareil, et il indique comme idéal à poursuivre la substantielle et nerveuse simplicité des anciens. On se demande où est le vrai français ? Aux Halles ? au Palais ? à la Cour ? Pour Pasquier, il est par toute la France, dans toutes les provinces. L’usage de la Cour ne prévaudra qu’au début du siècle suivant [1]. Ainsi, fixation épuration, mise en valeur de la langue française, voilà les trois articles de la réforme universellement réclamée.

Ce sera l’œuvre de Malherbe : il resserrera la poésie et la langue qui s’écoulaient et se fondaient. Il les rendra plus denses, en leur retranchant du volume : il donnera une structure artistique à la masse inorganique du vers et de la phrase.

  1. Montaigne, I 25 ; III, 5 ; Pasquier, Lettres, II, 12.