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avant-propos

spécialistes mettaient leurs soins à établir pour ces éditions une orthographe moyenne et partiellement conventionnelle, qui fixât les mots dans une forme unique d’un bout à l’autre de chaque œuvre et pour certains groupes assez larges d’écrivains, et qui facilitât la lecture des textes originaux, on ferait aisément entrer le meilleur de notre moyen âge dans le domaine commun de la littérature. On y apprivoiserait sans peine nos intelligences, inaccoutumées à s’y diriger : d’autant qu’on aurait là pour les plus jeunes élèves de nos lycées une inépuisable et inestimable matière de lectures faciles, attrayantes, sollicitant de mille côtés l’attention des enfants, et tout juste à leur mesure. Cette enfance de notre littérature, comment nos pédagogues n’ont-ils pas encore vu que c’était vraiment la littérature de l’enfance ?

Le développement que j’ai attribué au moyen âge et au xixe siècle, la largeur que j’ai cru nécessaire de donner à l’étude des puissantes individualités qui sont l’objet propre de l’histoire littéraire et l’instrument efficace de la culture littéraire, ont grossi ce livre au delà des dimensions ordinaires. Il m’aurait été même impossible de réduire mon sujet ainsi compris en un seul volume, si je n’avais très rigoureusement défini ma matière. J’ai été conduit ainsi à éliminer tout ce que souvent on a mêlé dans une Histoire de la Littérature française, et qui pourtant n’y appartient pas réellement. Je n’ai pas voulu faire l’Histoire de la civilisation, ni l’Histoire des idées ; et j’ai laissé de côté des écrits qui pour l’un ou l’autre de ces sujets seraient de premier ordre. Je n’ai pas prononcé des noms à qui l’histoire politique fera honneur : il y a d’excellents hommes d’État, et de grands patriotes, dont les discours ne sauraient être comptés dans la littérature. Je me suis retranché bien des développements qu’un historien ou un philosophe ne croirait pas pouvoir éviter. J’ai éliminé l’histoire de la littérature de langue d’oc : elle n’avait pas plus de raison d’entrer dans un ouvrage que l’histoire de la littérature celtique, ou l’histoire des œuvres écrites en latin par des Gaulois ou des Français.