LIVRE II
CHAPITRE I
ROMAN DE RENART ET FABLIAUX
Tout ce que nous avons étudié jusqu’ici, les chansons de geste, les romans gréco-romains, byzantins ou bretons, la poésie lyrique, l’histoire même, est au moins par essence et par destination une littérature aristocratique : c’est aux mœurs, aux sentiments, aux aspirations des hautes parties de la société féodale que répondent les œuvres maîtresses et caractéristiques de ces divers genres. Voici que maintenant parait une littérature bourgeoise : non moins ancienne en sa matière, et parfois plus ancienne, que la littérature aristocratique ; elle prend forme plus tardivement, parce qu’il fallait que la bourgeoisie prit de l’importance et s’enrichît, pour que les trouvères trouvassent honneur et profit à rimer les contes qui la divertissaient. Il fallait aussi que l’esprit héroïque s’affaiblit dans la classe aristocratique, pour que, en se proposant de plaire à ceux-ci, on ne fût pas obligé de renoncer expressément à réussir auprès de ceux-là. D’autant que, par un effet de la nature même des choses, les sentiments et l’idéal bourgeois ne pouvaient qu’être et paraître une perpétuelle dérision de l’es-