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par l’école cyrénaïque et développée par un disciple de Socrate, Aristippe.

Sur la brûlante côte de l’Afrique septentrionale, était située la colonie grecque de Cyrène, florissante par son commerce. La mollesse de l’Orient s’y réunissait aux raffinements de la civilisation hellénique. Fils d’un riche négociant de cette ville, élevé dans les idées de luxe et de magnificence, le jeune Aristippe se rendit à Athènes, où l’attirait la renommée de Socrate.

Remarquable par sa beauté, par le charme de ses manières, par sa conversation spirituelle, Aristippe sut gagner tous les cœurs. Il s’attacha à Socrate et fut regardé comme un disciple de ce philosophe, malgré la divergence de leurs doctrines. Son penchant naturel pour le faste et les jouissances joint à la puissante influence des sophistes, lui inspira sa doctrine : le plaisir est le but de l’existence. Aristote le traite de sophiste ; mais on reconnaît chez lui des traces de l’enseignement de Socrate, qui mettait le souverain bien dans la vertu, identifiée avec la science. Aristippe enseignait qu’en se maîtrisant soi-même et en suivant la raison (deux principes éminemment socratiques), on était sur la seule voie qui assurât des jouissances durables. Le sage seul pouvait être réellement heureux. Il est vrai que, pour lui, le bonheur, c’était la jouissance.

Aristippe distinguait deux formes de sensations : l’une résultant d’un mouvement doux de l’âme, l’autre d’un mouvement rude et brusque ; la première était le plaisir, la seconde la souffrance ou le déplaisir.

Comme le plaisir des sens produit évidemment des impressions plus vives que le plaisir intellectuel, la logique inexorable de la pensée hellénique amenait Aristippe à conclure que le plaisir du corps vaut mieux que le plaisir de l’esprit ; que la souffrance physique est pire que la souffrance morale. Épicure imagina même un sophisme pour justifier cette doctrine.