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animaux. La nature produisit d’abord les organes des animaux d’une manière partielle : des yeux sans visage, des bras sans corps, etc. Le développement de la force qui associe les choses provoqua un mouvement confus des corps et les réunit tantôt d’une façon, tantôt d’une autre. La nature essaya, pour ainsi dire, toutes les combinaisons avant d’enfanter une créature viable et, finalement, une créature capable de se reproduire. Dès que celle-ci exista, elle se conserva par elle-même, tandis que les créatures antérieures disparurent comme elles étaient nées.

Ueberweg (29 bis) remarque, à propos de cette conception, qu’on pourrait la comparer à la philosophie naturelle de Schelling et d’Oken et à la théorie de la descendance de Lamarck et de Darwin ; toutefois, ce dernier ferait consister plutôt le progrès dans la différenciation successive des formes plus simples ; tandis que la conception d’Empédocle le cherche de préférence dans la combinaison des formes hétérogènes entre elles. Cette remarque est très-juste et l’on pourrait ajouter que la théorie de la descendance moderne est appuyée sur les faits ; celle d’Empédocle, au contraire, jugée au point de vue de la science actuelle, paraît fantastique et absurde. Il faut cependant faire ressortir ce qu’il y a de commun entre ces deux théories, qui contrastent d’une manière absolue avec la philosophie naturelle de Schelling-Oken : c’est la naissance purement mécanique des organismes, appropriés à leurs fins, par le jeu répété à l’infini de la procréation et de la destruction, jeu où ne persiste en définitive que ce qui porte un caractère de durée dans sa constitution relativement accidentelle. Si, à l’égard d’Empédocle, on est autorisé à conserver un doute critique et à se demander si réellement il a entendu la chose dans ce sens, il n’en est pas moins certain qu’Épicure a compris ainsi la théorie d’Empédocle et, par suite, l’a fondue avec l’atomistique et avec sa propre doctrine sur la réalisation de toutes les possibilités.