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théorie dut à Aristote une vitalité si tenace, qu’aujourd’hui encore, dans la science, on en découvre des traces sur plus d’un point. Outre ces éléments, Empédocle admit deux forces fondamentales, l’Amour et la Haine, qui, dans la formation et la destruction du monde, sont chargés de produire, l’un l’attraction, l’autre la répulsion. Si Empédocle eût fait, de ces forces, des qualités des éléments, nous pourrions sans difficulté le ranger parmi les matérialistes ; car non seulement le langage imagé de ses poésies philosophiques emprunta ses descriptions aux sentiments du cœur humain, mais encore il mit à contribution l’Olympe et le Tartare, pour donner à ses idées la chaleur et la vie, enfin pour occuper l’imagination en même temps que l’entendement. Mais ces forces fondamentales sont indépendantes de la matière. À des intervalles incommensurables, c’est tantôt l’une qui triomphe, tantôt l’autre. Quand l’Amour règne en maître absolu, tous les éléments réunis jouissent d’une paix harmonieuse et forment une sphère immense. Si la Haine devient toute-puissante, tout est séparé, dispersé. Dans les deux hypothèses il n’existe pas d’êtres isolés. La vie terrestre est suspendue tout entière aux alternatives qui conduisent l’univers sphérique par la force progressive de la Haine à une dissolution ou par la force croissante de l’Amour au résultat opposé. Nous vivons actuellement dans cette dernière période et, d’après les idées fondamentales du système, nous avons déjà derrière nous un espace de temps immense. Les détails de sa cosmogonie ne nous intéressent qu’autant qu’il est question de la naissance des organismes ; car ici nous rencontrons la pensée qui a exercé une si énergique influence, grâce à Épicure et à Lucrèce.

La Haine et l’Amour n’opèrent pas suivant un plan ou, du moins, ils ne travaillent qu’à produire la séparation ou la réunion universelle des éléments. Les organismes naissent par l’effet du jeu fortuit des éléments et des forces fondamentales ; en premier lieu se formèrent les plantes, puis les