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vide. Épicure résuma la question et conclut en disant que puisqu’il n’existe pas de résistance dans le vide, tous les corps doivent y tomber avec une égale vitesse. Il paraît ainsi complètement d’accord avec la physique actuelle, mais le paraît seulement, car la notion exacte de la gravitation et de la chute des corps faisait totalement défaut aux anciens.

Il est intéressant de comparer ici comment Galilée, après avoir péniblement cherché et trouvé la vraie loi de la chute des corps, osa conclure a priori que, dans le vide, tous les corps tomberaient avec une égale vitesse et cela longtemps avant que la machine pneumatique eût démontré la réalité du fait. En concluant de la sorte, Galilée n’avait-il pas quelque réminiscence d’Aristote ou de Lucrèce ? (23)

5° « Les différences de toutes choses proviennent des différences de leurs atomes en nombre, grandeur, forme et coordination ; mais les atomes ne présentent pas de différences qualitatives. Ils n’ont pas « d’états internes » ; ils n’agissent les uns sur les autres que par la pression ou le choc (24). »

Nous avons vu, dans la troisième proposition de Démocrite, qu’il regardait les qualités sensibles telles que la couleur, le son, la chaleur, etc., comme une pure et décevante apparence, ce qui veut dire qu’il sacrifiait complètement le côté subjectif des phénomènes, le seul pourtant qui nous soit immédiatement accessible, pour arriver d’une manière plus logique à une explication objective. En effet, Démocrite se livra à des recherches profondes relativement à ce qui doit servir de base aux qualités sensibles des objets. Nos impressions subjectives, d’après lui, se règlent sur la différence de groupement des atomes en un schéma (σχημα) qui peut nous faire penser au « schéma » de nos chimistes (25).

Aristote blâme Démocrite d’avoir ramené toutes les sensations au tact seul, reproche qui, à nos yeux, est plutôt un éloge. Mais le point obscur gît précisément dans cette sensation du tact elle-même.