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maine ni, par conséquent, à une finalité que l’homme puisse comprendre dans les détails. Et cependant, les religions ont justement besoin d’une finalité anthropomorphe ; or c’est là une contradiction à la science, comme la poésie est une contradiction à la vérité historique ; aussi la finalité en ce sens et la poésie n’ont-elles droit de cité que dans une contemplation idéale des choses.

De là, la nécessité d’éliminer strictement toute cause finale avant que la science soit possible. Démocrite obéissait-il à ce motif quand il fit de la stricte nécessité la base de toute observation de la nature ? En ne s’attachant pas outre mesure à l’ensemble du système que nous venons d’esquisser, on arrive à reconnaître que Démocrite exigeait, comme condition indispensable de toute connaissance rationnelle de la nature, une idée claire de la nécessité naturelle. Or l’origine de cette idée ne doit être cherchée que dans l’étude des mathématiques, dont l’influence, sous ce rapport, a été pareillement décisive durant les temps modernes.

3° « Rien n’existe, si ce n’est les atomes et le vide ; tout le reste est hypothèse (19). »

Cette proposition réunit le côté fort et le côté faible de toute atomistique. Le fondement de toute explication rationnelle de la nature, de toutes les grandes découvertes modernes, a été la réduction des phénomènes au mouvement des plus petites molécules et, sans doute, l’antiquité classique aurait pu déjà parvenir dans cette voie à des résultats importants, si la réaction, émanée d’Athènes, contre les tendances naturalistes de la philosophie n’eût pas remporté une victoire aussi décisive. C’est par l’atomisme que nous expliquons aujourd’hui les lois du son, de la lumière, de la chaleur, des transformations physiques et chimiques les plus étendues et néanmoins l’atomisme est aujourd’hui encore aussi impuissant qu’au temps de Démocrite à expliquer la plus simple sensation de son, de lumière, de chaleur, de goût, etc. Malgré tous les progrès de la science, malgré toutes les trans-