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soi-même. Il est ensuite expliqué que tous les esprits sont corporels comme l’air, quoique avec des gradations infinies de subtilité. Enfin l’on fait observer que l’on ne trouve nulle part dans l’Écriture sainte des expressions comme « substance incorporelle » ou « substance immatérielle ». Le 1er des 39 articles enseigne, il est vrai, que Dieu n’a ni corps ni partie, assertion que, pour cette raison, on ne niera pas ; mais le 20e article dit aussi que l’Église n’a le droit d’exiger la foi que pour les choses affirmées dans l’Écriture sainte (III, p. 537 et suiv.). Le résultat de cette contradiction flagrante est que Hobbes, en toute occasion, fait ressortir l’incompréhensibilité de Dieu, ne lui accorde que des attributs négatifs, etc. En citant des autorités comme Tertullien (III, 561), en discutant souvent des expressions bibliques, surtout en posant astucieusement des prémisses dont il laisse au lecteur le soin de tirer les conséquences, Hobbes insinue partout que l’idée de Dieu serait fort claire, si on le concevait comme un corps ou comme un fantôme, c’est-à-dire comme le néant. Toute son incompréhensibilité provient de ce qu’il est ordonné, une fois pour toutes, de le regarder comme « incorporel »[1]. On trouve textuellement, p. 282 : « Cum natura Dei incemprehensibilis sit, et nomina ei attribuenda sint, non tam ad naturam ejus, quam ad honorem, quem illi exhibere debemus, congruentia. » (« La nature de Dieu étant incompréhensible, il faut lui attribuer des noms qui se rapportent moins à sa nature qu’aux honneurs que nous devons lui rendre. ») — Au reste la quintessence de toute la théologie de Hobbes se trouve, de la manière la plus explicite, dans un passage[2] où il est dit sèchement que Dieu ne gouverne que par l’intermédiaire de la nature, et que sa volonté n’est proclamée que par l’État. Il ne faudrait pas en conclure que Hobbes fut panthéiste et qu’il identifiât Dieu avec l’ensemble de la nature. Il paraît plus vrai qu’il regardait comme Dieu une portion de l’univers réglant tout, répandue partout, homogène et déterminant mécaniquement par son propre mouvement le mouvement de l’univers. De même que l’histoire universelle est une émanation des lois de la nature, de même le pouvoir de l’État, par cela seul qu’il est un pouvoir existant de fait, constitue une émanation de la volonté divine.

34 [page 263]. Macaulay, Hist. of England, I, chap. 2 ; voir surtout les sections : « Change in the morals of the community » et « Profligacy of politicians ». (« Changement dans les mœurs de la nation », et « Corruption des hommes politiques ».)

35 [page 265]. Macaulay, Hist. of England, I, chap. 8 : « State of science in England » (« État de la science en Angleterre ») ; voir aussi

  1. Opera, III, p. 87, p. 280 et suiv.
  2. De Homine, III, 15, Opera, II, p. 347 et suiv.