Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/536

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des préjugés qui leur faisaient obstacle, du même dédain pour les barrières qui séparaient le monde savant d’avec le vulgaire. Nous ne pouvons résister au désir de citer encore le passage suivant du Cosmos de Humboldt (II, p. 346) qui fait honneur à son auteur : « Le fondateur de notre système actuel du monde était peut-être encore plus remarquable par son courage et par sa fermeté que par sa science. Il méritait à un haut degré le bel éloge que lui décerne Kepler en le nommant, dans son introduction aux tables rodolphines, un homme d’un esprit libre : Vir fuit maximo ingenio et, quod in hoc exercitio (dans la lutte contre les préjugés) magni momenti est, anime liber. (« Ce fut un homme d’un grand génie et, détail important lorsqu’il s’agit de combattre les préjugés, d’une remarquable indépendance d’esprit. ») Lorsque, dans sa dédicace au pape, Copernic décrit la manière dont son ouvrage est né, il ne craint pas d’appeler « conte absurde » l’opinion répandue même parmi tous les théologiens que la terre est immobile au centre de l’univers et d’attaquer la stupidité d’une idée semblable. « Si par hasard de frivoles bavards (ματαιολόγοι), dépourvus de toute notion de mathématiques, se permettaient d’énoncer un jugement sur son ouvrage en dénaturant intentionnellement un passage quelconque de l’Écriture sainte (propter aliquem locum scripturæ male ad suum propositum detortum), il mépriserait, dit-il, une attaque aussi impudente ! »

56 [page 214]. À ce propos, qu’il nous soit permis d’ajouter une note à la page 109, relativement à Copernic et à Aristarque de Samos. Il n’est pas invraisemblable, d’après Humboldt[1], que Copernic connut l’opinion d’Aristarque ; mais il se réfère expressément à deux passages de Cicéron[2] et de Plutarque[3], qui le portèrent à réfléchir sur la mobilité de la terre. Cicéron rapporte l’opinion d’Hicétas de Syracuse ; Plutarque, celle des pythagoriciens Ekphant et Héraclide. Il résulte donc des aveux mêmes de Copernic que l’idée première de son système lui vint de savants de l’antiquité grecque ; mais il ne cite nulle part Aristarque de Samos. — Voir Humboldt (ibid.) et Lichtenberg, Nicolas Copernic, dans le 5e volume de ses Mélanges, nouvelle édition originale, Gœttingue, 1844, p. 193 et suiv.

57 [page 214]. Non seulement Bruno cite Lucrèce avec prédilection, mais encore il l’imite systématiquement dans son poème didactique, De universo et mundis. Hugo Wernekkte traite de sa « polémique contre la cosmologie d’Aristote » (Leipziger Dissert., impr. à Dresde, 1871).

  1. Cosmos, II, p. 349.
  2. Acad. quæst., IV, 39.
  3. De placitis philos., III, 13.