Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/50

Cette page a été validée par deux contributeurs.

soudre l’énigme de l’univers, et à remplir la vaste capacité du cœur de l’homme. Cette double tâche, Lange a l’impérissable honneur de l’avoir tentée et victorieusement résolue.

Il a mieux que tout autre compris que le réel et l’idéal sont, à des titres divers, mais également imprescriptibles, le double champ de notre activité, la double patrie de nos âmes. Les fleurs de l’idéal ne peuvent être cultivées et cueillies que sur le terrain préparé et fécondé par les sciences et l’industrie de l’homme. Se contenter de l’activité matérielle et du mécanisme scientifique qui la doit diriger, c’est se borner à préparer les conditions de la vraie vie, mais renoncer à la vivre, et, comme dit le poëte, propter vitam vivendi perdere causas. Nul n’a plus éloquemment que Lange signalé le danger que le développement des sciences positives et de l’industrialisme fait courir aux sociétés modernes ; nul n’a mieux compris qu’affaiblir le sens de l’idéal, c’est accroître celui de l’égoïsme. Sans doute la cause de l’art, de la spéculation avait trouvé avant lui d’éloquents défenseurs : elle n’avait jamais été plaidée, depuis Kant, avec cette largeur de vues, je veux dire avec la claire et profonde conviction qu’il est nécessaire de ne rien retrancher à la science et au mécanisme de ce qu’on accorde à la spéculation et à l’esprit.

C’est surtout en regard des tentatives semblables de ces dernières années qu’il faut placer l’œuvre de Lange, pour en bien mesurer l’originalité. En France, en Allemagne, en Angleterre, la cause de la conciliation de la science et de la philosophie a trouvé d’habiles et vaillants interprètes. Sans parler des tentatives que les noms de Lotze et de Hartmann recommandent en Allemagne ; de la distinction