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superficielle qu’ils présentent. L’air chaud est une matière purement rationnelle ; il est, par lui-même, capable de sensation et se meut en vertu de sa puissance rationnelle. Les atomes de l’âme, de Démocrite, se meurent, comme tous les autres atomes, d’après des principes exclusivement mécaniques ; ils ne produisent le phénomène d’êtres pensants que dans un cas spécial, mécaniquement réalisé. C’est ainsi encore que l’« aimant animé » de Thalès justifie parfaitement l’assertion « tout est plein de dieux » (πάντα πλήρη θεῶν), mais il diffère foncièrement de la conception par laquelle les atomistes essaient d’expliquer l’attraction du fer par l’aimant.

2 [page 3]. En réponse à l’assertion tout à fait opposée de Zeller[1], il conviendrait de faire remarquer que nous pouvons accepter le jugement de cet historien : « Les Grecs n’avaient pas de hiérarchie ni de dogmes inviolables », sans être obligé de modifier l’exposition qui précède. Avant tout, les Grecs ne formaient pas une unité politique dans laquelle une hiérarchie et des dogmes auraient pu se développer ; leur religion se forma avec une diversité encore plus grande que les constitutions des différentes villes et régions. Naturellement, le caractère éminemment local du culte, devait par suite de l’extension des rapports pacifiques, aboutir à une tolérance et à une liberté que ne soupçonnent pas les peuples dont la foi est intense et la religion fortement centralisée. Cependant parmi les tendances unitaires de la Grèce, les tendances hiérarchico-théocratiques furent peut-être les plus remarquables ; et l’on peut citer comme exemple l’influence du clergé de Delphes qui fait une exception notable à la règle d’après laquelle « le sacerdoce aurait procuré infiniment plus d’honneurs que de puissance »[2].

S’il n’y avait pas en Grèce de caste sacerdotale, de clergé formant un corps exclusif, en revanche il y avait des familles sacerdotales, appartenant d’ordinaire à la plus haute aristocratie, et dont les droits héréditaires étaient respectés comme les plus légitimes et les plus inviolables. Elles surent maintenir leur influence durant des siècles. De quelle importance n’étaient pas pour Athènes les mystères d’Éleusis et comme leur histoire se confond avec celle des familles des Eumolpides, des Céryques, des Phyllides, etc. ![3] L’influence politique de ces

  1. Philosophie der Griechen, 3e éd. I., p. 44 et suiv.
  2. Voir Gurtius, Griechische Geschichte, l, p. 451, concurremment avec les renseignements fournis par Gerhard, Stephani, Welcker, etc., sur la participation des théologiens delphiques à la propagation du culte de Bacchus et à celle des mystères.
  3. Voir Hermann, Gottesdienstliche Alterthümer, § 31, A. 21. — Schœmann, Griechische Alterthümer, 2e éd., II, p. 340 et suiv.