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procher les savants et les philosophes, en défendant avec les premiers les droits imprescriptibles, en soutenant avec les seconds l’insuffisance théorique et pratique du mécanisme. Les savants qu’il s’agissait de gagner au respect d’abord, et ensuite, s’il était possible, au culte de la spéculation philosophique, avaient besoin d’être éclairés sur les sophismes et la pauvreté du matérialisme, non d’être initiés prématurément aux hypothèses toujours discutables d’une doctrine métaphysique. Il était bon de faire appel à leur sens de l’analyse et de la méthode contre un système superficiel et trompeur. Il n’eût pas été prudent d’y soumettre trop tôt des conceptions, dont la subtilité et l’étrangeté auraient déconcerté et alarmé bien vite leur philosophie mal assurée ; dont ils auraient surtout, avec leurs habitudes d’esprit, méconnu trop aisément le caractère provisoire. D’un autre côté, ce n’est pas aux philosophes qu’il était nécessaire de démontrer le prix de la métaphysique, la valeur poétique et morale des spéculations idéalistes. Et l’histoire de la spéculation était assez riche d’indications précieuses, de suggestions fécondes, d’hypothèses séduisantes et légitimes, pour qu’il ne fût pas nécessaire d’enrichir d’un système nouveau la série de ces généreuses fantaisies, où s’est complue l’imagination et dont a vécu la conscience du passé. Les philosophes du présent avaient bien plutôt besoin d’être conquis à l’intelligence, au respect du mécanisme scientifique. Il fallait, en un mot, dissiper chez eux l’ivresse de cet idéalisme chimérique qui avait égaré depuis Kant les plus hautes intelligences, et rabattre chez leurs adversaires l’orgueilleuse suffisance du savoir positif, ses vaines prétentions à ré-