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qu’il procède ainsi, parce que son intelligence parfaite est liée au principe de la raison suffisante. Ce que le « principe de la plus petite contrainte » est pour un système de corps en mouvement, le principe du plus petit mal l’est pour la création du monde par Dieu. Comme résultat, le tout équivaut à la cosmogonie de Laplace et de Darwin, fondée sur des hypothèses mécaniques. Le monde a beau être radicalement mauvais, il n’en reste pas moins le meilleur des mondes possibles. Mais tout cela n’empêche pas l’optimisme populaire de louer la sagesse et la bonté du Créateur, absolument comme s’il n’existait précisément dans le monde d’autre mal que celui que nous y introduisons nous-mêmes par notre méchanceté et notre folie. Dans le système, Dieu est impuissant ; dans l’interprétation populaire des idées acquises, sa toute-puissance se montre sous le jour le plus brillant.

Un peut en dire autant de la théorie des idées innées. Locke l’avait ébranlée ; Leibnitz la rétablit et les matérialistes, de la Mettrie en téte, le condamnent à cause de cela. Qui a raison sur ce point ? Leibnitz enseigne que toutes les pensées naissent de l’esprit lui-même et qu’aucune impression extérieure n’agit sur lui. On ne peut guère et cela faire une objection sérieuse. Mais on voit aussi dès l’abord que les idées innées des scolastiques sont de tout autre nature que celles des cartésiens. Chez ces derniers, il s’agit de choisir entre toutes les idées quelques notions générales auxquelles on a coutume d’associer celle de l’être parfait, de délivrer à ces notions comme un certificat d’origine qui les place au-dessus des autres, et fle leur assurer ainsi une autorité supérieure. Mais comme chez Leibnitz toutes les idées sont innées, toute distinction s’évanouit entre les notions empiriques et celles que l’on prétend être primordiales. Pour Locke, l’esprit commence par être entièrement vide ; d’après Leibnitz, il renferme l’univers. Locke lait provenir toutes les connaissances de extérieur, d’où, pour Leibnitz,