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pages de son livre uniquement à réfuter la démonstration de l’existence de Dieu, par Clarke, démonstration qui repose sans cesse sur des phrases, dénuées a priori de toute signification précise ? Le Système de la nature essaie avec une touchante sollicitude de remplir le tonneau des Danaïdes. D’Holbach analyse impitoyablement phrase par phrase, pour en revenir toujours à ses mêmes conclusions, qu’il n’y a pas de raison pour admettre l’existence d’un dieu et que la matière a existé de toute éternité.

Au reste, d’Holbach savait très-bien qu’il combattait non pas un argument, mais à peine l’ombre d’un argument. Il montre dans un passage que la définition du néant donnée par Clarke équivaut complètement à sa définition de Dieu, qui ne contient que des attributs négatifs. Il fait observer dans un autre passage que, suivant une locution vulgaire, nos sens ne nous montrent que l’écorce des choses ; mais, ajoute-t-il, en ce qui concerne Dieu, ils ne nous en montrent pas même l’écorce. Remarquable est surtout la réflexion suivante :

« Le docteur Clarke nous dit que c’est assez que les attributs de Dieu soient possibles, et tels qu’il n’y ait point de démonstration du contraire. Étrange façon de raisonner ! La théologie seroit donc l’unique science où il fut permis de conclure qu’une chose est, dès lors qu’elle est possible ? »

Ici, d’Holbach n’aurait-il pas pu se demander comment il était possible que des gens assez sains d’esprit et d’une conduite à peu près irréprochable, se contentassent d’assertions complètement bâties en l’air ? N’aurait-il pas dû être conduit à admettre que les illusions de l’homme, en fait de religion, sont pourtant d’une autre nature que celles de la vie quotidienne ? D’Holbach ne voyait même pas l’écorce de Dieu dans la nature extérieure. Néanmoins ces faibles arguments ne pourraient-ils pas constituer une écorce fragile, sous laquelle se cacherait une idée de Dieu, plus solidement fondée sur les facultés de l’âme humaine ? Mais, pour cela, il aurait fallu