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De ce point de vue, il nous serait facile de combler les lacunes des conceptions spéculatives de Lange, après en avoir fait cesser les contradictions. Ni sur l’art, ni sur la morale, Lange ne nous donne des explications suffisantes. Sans doute il oppose à l’esthétique, à l’éthique du matérialisme les principes très-décidés de son idéalisme pratique. Il nous invite à voir dans l’art et la morale des produits de la même libre synthèse qui se joue dans les constructions de la métaphysique. Mais il ne nous dit pas quel est le lien de ces diverses synthèses. Il ne nous éclaire pas sur les relations qu’ont entre elles ces formes diverses de l’idéal. Le beau est-il une pure création de l’esprit, sans rapport avec la réalité ? La nature ne doit-elle être considérée que comme un mécanisme sans vie, sans beauté propre ? Est-elle étrangère à toute finalité ? Ces divers problèmes restent sans solution dans le livre de Lange. Il semble que le beau, le vrai, le bien habitent des sphères séparées et étrangères ; ou encore que la pensée revête arbitrairement de formes absolument indépendantes les unes des autres, suivant la faculté spéciale à travers laquelle il la contemple, une réalité mystérieuse, qui n’a rien de commun avec ces apparences diverses. Ainsi le même œil peut voir les objets sous les aspects les plus contraires, en interposant capricieusement entre eux et lui des prismes de couleur et de formes différentes. Où est cette harmonie du beau, du vrai et du bien, cette unité des puissances de l’âme que Lange nous fait un devoir de réaliser ? En supprimant tout rapport entre l’idéal et la réalité, ne risque-t-il pas d’amoindrir le prix et l’attrait du premier ? Je comprends que Platon et qu’Aristote placent les formes pures dans une région supérieure à celle des sens. Mais ils font de