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tout humaine, elles fassent partie des plus nobles biens de l’humanité et qu’elles puissent lui donner un bonheur qu’aucune autre chose ne saurait remplacer, ce sont là des considérations fort étrangères au matérialiste et qui lui restent étrangères non-seulement peut-être parce qu’elles se trouvent en contradiction avec son système, mais encore parce que le développement de ses idées dans la lutte et le travail, l’éloigne de cette face de la vie humaine.

De là résulte que, dans le conflit avec la religion, l’arme du matérialisme devient plus dangereuse que d’autres armes ; ce système se montre aussi plus ou moins hostile à la poésie et à l’art qui ont pourtant cet avantage que les libres créations de l’esprit humain en opposition avec la réalité y sont ouvertement permises, tandis qu’elles sont entièrement confondues, dans les dogmes des religions et les constructions architecturales de la métaphysique, avec une fausse prétention à l’objectivité.

La religion et la métaphysique ont donc encore avec le matérialisme des rapports plus profonds, que nous étudierons ultérieurement. En attendant, jetons un coup d’œil sur l’art, à propos du chapitre sur l’ordre et le désordre.

Si l’ordre et le désordre n’existent pas dans la nature, l’opposition entre le beau et le laid ne résidera que dans l’intellect humain. Par cela seul que cette pensée est toujours présente à l’esprit du matérialiste, il s’éloigne facilement en quelque sorte du domaine du beau ; il est plus rapproché du bien et, plus encore, du vrai. Si maintenant un matérialiste devient critique d’art, il tendra nécessairement, plus qu’un critique suivant une autre direction, à ne rechercher dans l’art que la vérité naturelle ; mais il méconnaîtra et dédaignera l’idéal et le beau proprement dits, surtout quand ils se trouveront en conflit avec la vérité naturelle. Ainsi, nous voyons d’Holbach presque dépourvu du sens de la poésie et de l’art ; du moins nous n’en rencontrons aucune trace dans ses écrits. Mais Diderot, qui embrassa d’abord