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qui est amenée par les lois immuables de la nature ; désordre reste par contre une idée relative, embrassant seulement les phénomènes, par lesquels un être isolé est troublé dans la forme de son existence, tandis qu’au point de vue du grand tout, il n’y a pas de trouble au sens absolu. Il n’y a ni ordre ni désordre dans la nature. Nous trouvons de l’ordre dans tout ce qui est conforme à notre être ; du désordre dans tout ce qui lui est contraire. La conséquence immédiate de cette théorie est qu’il ne peut y avoir de miracles d’aucune espèce dans la nature. C’est ainsi que nous puisons uniquement en nous-mêmes l’idée d’une intelligence qui se propose toujours un but, et la notion contraire, l’idée de hasard. Le tout ne peut avoir de but, parce que en dehors de lui il n’y a rien vers quoi il puisse tendre. Nous regardons comme intelligentes les causes qui agissent à notre manière, et l’action des autres causes nous apparaît comme un jeu de l’aveugle hasard. Et cependant le mot hasard n’a un sens que par opposition à cette intelligence, dont nous n’avons puisé l’idée qu’en nous-mêmes. Or il n’y a pas de causes agissant aveuglément ; nous seuls sommes aveugles, en méconnaissant les forces et les lois de la nature, dont nous attribuons les effets au hasard.

Ici, nous trouvons le Système de la nature complètement dans les voies frayées par l’énergique nominalisme de Hobbes. Naturellement les idées de bien et de mal, que d’Holbach s’est gardé d’élucider, ne doivent avoir de valeur que comme idées simplement relatives et humainement subjectives, de même que celles d’ordre et de désordre, d’intelligence et de hasard. Après s’être placé à ce point de vue, on ne peut plus reculer ; car la démonstration que ces idées sont relatives et fondées sur la nature humaine reste le premier pas, le pas indispensable pour arriver à une science épurée et approfondie ; mais, pour aller plus loin, la voie est encore libre. Il faut traverser la théorie qui explique l’origine des idées par l’organisation de l’homme, pour avancer au-delà des limites du matérialisme ; en re-