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petite fibre, une chose quelconque, qui ne peut être découverte par l’anatomie la plus subtile, aurait fait deux idiots d’Érasme et de Fontenelle. »

C’est encore une idée propre à de la Mettrie, que la possibilité d’arriver un jour à faire parler un singe[1] et d’étendre ainsi la culture humaine à une partie du monde animal. Il compare le singe à un sourd-muet et, comme il est particulièrement enthousiaste de la méthode relative à l’instruction des sourds-muets récemment inventée par Amman, il désire posséder un singe grand et surtout intelligent pour faire des essais sur son éducabilité (69).

Qu’était l’homme, dit de la Mettrie, avant l’invention de la parole et la connaissance du langage ? Un animal de son espèce, avec bien moins d’instinct que les autres, ne différent d’eux que par sa physionomie et les notions intuitives de Leibnitz. Les hommes les mieux doués, les mieux organisés imaginèrent les signes et instruisirent les autres, absolument comme nous dressons des animaux.

De même qu’une corde de piano vibre et produit un son par le mouvement des touches, ainsi les cordes du cerveau, frappées par les sensations du son, produisirent des paroles. Mais, dès que sont donnés les signes de différentes choses, le cerveau commence à les comparer et à tenir compte de leurs rapports, avec la même nécessité qui force l’œil, bien organisé, de voir. L’analogie de différents objets nous conduit à les réunir et par suite à les compter. Toutes nos idées sont étroitement liées et la représentation des mots ou signes correspondants. Tout ce qui se passe dans l’âme peut se ramener à l’activité de l’imagination.

  1. Buffon a dit ; « Le singe parlant eût rendu muette d’étonnement l’espèce humaine entière, et l’aurait séduite au point que le philosophe aurait eu grand-peine à démontrer qu’avec tous ces beaux attributs humains le singe n’en était pas moins une bête. Il est donc heureux pour notre intelligence que la nature ait séparé et placé dans deux espèces très-différentes l’imitation de la parole et celle de nos gestes. › (Note du trad.).