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aurions-nous ? » (Cette comparaison serait exprimée d’une manière plus frappante ainsi : on ne peut rien préciser sur la nature d’après des expériences ; car, si l’on voulait se fier aux expériences de Torricelli, quelle singulière idée ne se ferait-on pas de l’horror vacui ?)

L’expérience et l’observation, dit de la Mettrie, doivent être nos guides uniques ; nous les trouvons chez les médecins qui ont été philosophes, mais non chez les philosophes, qui n’ont pas été médecins. Seuls les médecins, qui étudient tranquillement l’âme dans sa grandeur comme dans sa misère, ont le droit de parler ici. Que nous apprendraient, en effet, les autres, et particulièrement les théologiens ? N’est-il pas risible de les entendre décider effrontément sur un objet, qu’ils n’ont jamais été à même de connaître, dont au contraire ils ont toujours été éloignés par leurs études, par leur obscurantisme, cause de mille préjugés, en un mot par le fanatisme, qui leur fait ignorer davantage le mécanisme du corps ?

Ici du reste de la Mettrie fait lui-même une pétition de principe, dans le genre de celles dont il vient d’accuser à bon droit ses adversaires. Les théologiens aussi ont l’occasion d’apprendre à connaître l’âme humaine par expérience ; et la différence, dans la valeur de cette expérience, ne peut être qu’une différence dans la méthode et dans les catégories auxquelles l’expérience est rapportée.

L’homme est, comme l’ajoute de la Mettrie, une machine construite de telle sorte qu’il est impossible a priori de s’en faire une idée exacte. On doit admirer, même dans leurs essais infructueux, les grands génies qui ont vainement entrepris cette tâche : Descartes, Malebranche, Leibnitz et Wolff ; mais il faut entrer dans une voie tout autre que celle qu’ils ont suivie ; c’est seulement a posteriori, en partant de l’expérience et de l’étude des organes corporels, que l’on peut obtenir, sinon la certitude, du moins le plus haut degré de probabilité. Les divers tempéraments, fondés sur des