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voyons que le voile qui la recouvre. — On ne sait pas si la matière a en elle-même la faculté de sentir, ou si elle ne l’acquiert que dans la forme des organismes ; mais, même dans ce cas, la sensation et le mouvement doivent appartenir à toute matière, du moins comme possibilités. Ainsi pensaient les anciens, dont la philosophie est généralement préférée par les juges compétents aux essais défectueux des modernes.

De la Mettrie passe ensuite à la théorie des formes substantielles, et ici également il ne s’écarte pas des idées traditionnelles. Il en vient à cette conception que les formes seules donnent, en réalité, l’existence aux objets, ceux-ci n’étant pas ce qu’ils sont, quand ils n’ont pas la forme, c’est-à-dire la précision qui les qualifie. Par formes substantielles, on entendait celles qui déterminent les propriétés essentielles des corps ; par formes accidentelles, celles des modifications fortuites. Les philosophes anciens ont distingué plusieurs formes dans les corps vivants : l’âme végétative, l’âme sensitive et, pour l’homme, l’âme raisonnable (62).

Toutes les sensations nous viennent par les sens, qui communiquent, au moyen des nerfs, avec le cerveau, siége de la sensation. Dans les petits tubes des nerfs, se meut un fluide, l’esprit animal, esprit vital, dont la Mettrie regarde l’existence comme démontrée par l’expérimentation. Il n’y a donc pas sensation, quand l’organe de la sensation n’éprouve pas une modification qui affecte les esprits vitaux, lesquels transmettent ensuite la sensation à l’âme. L’âme ne sent point aux endroits où elle croit sentir ; mais, pour la qualité des sensations, elle indique un lieu placé en dehors d’elle. Cependant nous ne pouvons savoir si la substance des organes, elle aussi, n’éprouve pas de sensation ; mais cela ne peut être connu que de cette substance elle-même et non de l’animal tout entier (63). Nous ignorons si l’âme occupe seulement un point ou une région du corps ; mais,