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d’athéisme, et qu’il ait probablement toujours conservé ses opinions théoriques. Comme de la Mettrie, Boerhaave avait commencé par la carrière théologique ; mais son attachement manifeste à la philosophie spinoziste l’avait forcé d’y renoncer ; car, aux yeux des théologiens, spinozisme et athéisme étaient synonymes.

Devenu médecin, l’illustre maître, avec son esprit éminemment solide et positif, évita soigneusement toute polémique contre les représentants d’autres doctrines qui n’admettaient pas sa conception naturaliste du monde. Il se contentait de pratiquer la médecine et de s’y perfectionner ; toutefois l’ensemble de sa vie ne peut qu’avoir été favorable à la propagation des idées matérialistes parmi ses élèves.

En médecine, la France était alors fort en arrière de l’Angleterre, de Pays-Bas et de l’Allemagne. De la Mettrie entreprit donc une série de traductions d’ouvrages de Beerhaave, pour introduire chez ses compatriotes une meilleure méthode ; il y joignit quelques-uns de ses propres écrits et bientôt il se trouva lancé dans une ardente polémique contre les ignorants professeurs qui faisaient autorité à Paris. Cependant il pratiquait avec un grand succès dans sa ville natale et s’occupait sans cesse de littérature médicale ; et, bien que son caractère turbulent lui suscitât nombre de querelles scientifiques, il ne se préoccupait pas encore de philosophie.

En 1742, il se rendit à Paris, où de puissantes recommandations le firent nommer médecin militaire dans la garde du roi. Il prit part en cette qualité à une campagne en Allemagne, et cette campagne décida de ses tendances ultérieures. Atteint d’une fièvre chaude, il profita de cette circonstance pour étudier sur lui-même l’influence des bouillonnements du sang. Il conclut que la pensée n’est que le résultat de l’organisation de notre machine. Plein de cette idée, il essaya, pendant sa convalescence, d’expliquer, à l’aide de l’anatomie, les fonctions intellectuelles, et il publia