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Aux tourbillons de Descartes faisait défaut la sanction mathématique ; or la mathématique fut comme le signe par lequel Newton vainquit. Du Bois-Reymond remarque, il est vrai, avec justesse que l’influence de Voltaire sur le monde élégant des salons ne contribua pas peu à donner le droit de cité à la nouvelle conception de l’univers. « C’est seulement après que les Mondes de Fontenelle eurent été remplacés dans les boudoirs par les Éléments de Voltaire qu’on put, en France, regarder comme décisive la victoire de Newton sur Descartes. » Ce résultat était inévitable. On ne devait pas moins s’attendre à ce que la vanité nationale fût satisfaite de voir un Français concevoir et réaliser la démonstration de la théorie newtonienne (20) ; mais, au fond du mouvement qui amena cette importante révolution scientifique, nous voyons la puissante impulsion que l’influence de Newton donna aux dispositions naturelles des Français pour la mathématique. Les grands génies du XVIIe siècle revécurent avec plus d’éclat dans leurs continuateurs et à la période des Pascal et des Fermat succéda avec Maupertuis et d’Alembert la longue série des mathématiciens français du XVIIIe siècle, jusqu’à Laplace qui déduisit les dernières conséquences du système de Newton en éliminant même l’ « hypothèse » d’un Créateur.

Malgré son radicalisme en général, Voltaire ne tira pas ces conséquences. Bien qu’il fût loin de souscrire au traité de paix, signé avec l’Église, par ses maîtres Newton et Clarke, il n’en resta pas moins fidèle aux deux grands principes de leur métaphysique. On ne peut nier que l’homme, qui travailla de toutes ses forces au renversement de la foi catholique, l’auteur du célèbre propos : « écrasez l’infâme », se montra le zélé partisan d’une théologie épurée et fut, peut-être plus qu’aucun des déistes anglais, intimement convaincu de l’existence de Dieu. Dieu est, à ses yeux, un artiste délibérant, qui a créé le monde d’après les principes d’une sage finalité. Plus tard, il est vrai (21), Voltaire adopta déci-