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thèse d’une cause matérielle des phénomènes, commune et agissant dans toute l’étendue de l’univers. L’histoire, dans sa marche, a éliminé cette cause matérielle inconnue et substitué la loi mathématique elle-même à la cause physique. Le choc des atomes se changea en une pensée unitaire qui, comme telle, gouverne le monde sans aucun intermédiaire matériel. Ce que Newton déclarait trop absurde pour pouvoir être admis par une tête philosophique quelconque : l’harmonie de l’univers (69), la postérité le proclame comme la grande découverte de Newton ! Et, à bien considérer la chose, c’est effectivement sa découverte ; car cette harmonie est la même, soit qu’une matière subtile et pénétrant partout la réalise conformément aux lois du choc, soit que les atomes, sans intermédiaire matériel, exécutent leur mouvement d’après la loi mathématique. Si, dans ce dernier cas, on veut éliminer « l’absurdité », il faut écarter l’idée qu’une chose agit là où elle n’est pas ; c’est-à-dire que le concept tout entier d’atomes « agissant » les uns sur les autres s’écroulera comme une invention de l’anthropomorphisme et que le concept de causalité lui-même devra prendre une forme plus abstraite.

Le mathématicien anglais Cotes qui, dans la préface de la deuxième édition des Principes (1713), publiée par ses soins, posait la pesanteur comme la propriété fondamentale de toute matière, ajouta à cette pensée, devenue depuis prédominante, une philippique contre les matérialistes qui font tout naître par nécessité et rien par la volonté du Créateur. Il accorde la supériorité au système de Newton, parce que ce système fait tout provenir de la complète liberté et volonté de Dieu. Les lois de la nature, suivant Cotes, offrent de nombreux indices du dessein le plus sage, mais aucune trace de nécessité.

Un demi-siècle ne s’était pas encore écoulé lorsque Kant, dans son Histoire universelle de la nature (1755), popularisa la doctrine de Newton et y adjoignit l’audacieuse