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diaire de l’air ; nos sens le transmettent au cerveau, et le cerveau au cœur (31). À chaque mouvement correspond un contre-mouvement dans l’organisme comme dans la nature extérieure ; de ce principe du contre-mouvement Hobbes déduit la sensation ; mais la sensation n’est pas la réaction immédiate de l’organe extérieur, elle ne consiste que dans le mouvement qui part du cœur et qui revient de l’organe extérieur en traversant le cerveau ; si bien qu’entre l’impression et la sensation il s’écoule un temps appréciable. Par cette rétrogradation du mouvement de sensation, qui est un « effort » (conatus) vers les objets, on s’explique que nous projetions au-dehors les images de la sensation (32). La sensation est identique avec l’image de la sensation (phantasma), laquelle à son tour est identique avec le mouvement d’effort vers les objets ; elle n’est pas simplement provoquée par lui. Ainsi, Hobbes tranche, par une solution arbitraire, le nœud gordien que présente la question des rapports du mouvement et de la sensation, considérée comme état subjectif ; mais la difficulté n’est par là nullement écartée.

Le sujet de la sensation est l’homme pris dans son ensemble, l’objet est la chose perçue ; les images ou les qualités sensibles, par lesquelles nous percevons l’objet, ne sont pas l’objet lui-même, mais un mouvement émané de notre for intérieur. Il ne nous vient donc pas de lumière des corps lumineux, pas de son des corps sonores, mais des uns et des autres simplement certaines formes de mouvement. Le son et la lumière constituent des sensations et elles ne naissent comme telles en nous que sous forme de mouvement rétrograde partant du cœur. De là résulte la conclusion sensualiste que toutes les propriétés dites sensibles n’appartiennent pas aux objets mais naissent en nous-mêmes. Toutefois, à côté se trouve l’assertion éminemment matérialiste que la sensation de l’homme n’est elle-même qu’un mouvement des parties corporelles, produit par le mouvement extérieur des choses. Hobbes ne s’avisa pas de renoncer à cette assertion maté-