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fâcheuses contradictions, et il ne reste plus que le troisième cas où Hobbes fait à Léviathan, comme pour promulguer une loi (de lege ferenda), des propositions exagérées concernant l’épurement de la religion et la suppression des superstitions les plus nuisibles. Ici l’on doit reconnaître que Hobbes tente tout ce qu’il peut pour combler l’abîme qui sépare la foi de la science. Il distingue dans la religion des éléments essentiels et des éléments non essentiels ; il cherche à supprimer des contradictions évidentes entre les textes et la foi, comme par exemple dans la théorie du mouvement de la terre, en établissant une distinction entre l’expression et l’intention morale du texte ; il déclare que les possédés sont des malades ; il prétend que, depuis la fondation du christianisme, les miracles ont cessé, et laisse même deviner que les miracles mêmes ne sont pas des miracles pour tout le monde (28). Si l’on ajoute à cela de remarquables essais d’une élucidation historique et critique de la Bible, on verra aisément que Hobbes possède déjà tout l’arsenal du rationalisme, et que l’emploi seul en reste encore limité (29).

En ce qui concerne la théorie de la nature extérieure, il est à remarquer d’abord que Hobbes identifie l’idée de corps avec celle de substance. Tandis que Bacon attaque encore la substance immatérielle d’Aristote, Hobbes en a déjà fini sur ce point et il établit d’emblée une distinction entre le corps et l’accident. Hobbes appelle corps tout ce qui, indépendant de notre pensée, remplit une partie de l’espace et coïncide avec cette partie. Considéré par rapport au corps, l’accident n’est rien de réel, d’objectif, comme le corps ; l’accident n’est que la manière dont on conçoit le corps. Cette distinction est, au fond, plus nette que celle d’Aristote ; et elle décèle, comme toutes les définitions de Hobbes, un esprit façonné par les mathématiques. Hobbes pense d’ailleurs avec d’autres que l’accident se trouve dans le sujet, dont il est parfaitement distinct ; l’accident pourrait faire défaut, sans que le corps cessât d’exister. L’étendue et la forme sont les deux