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l’autre ; l’atome est le principe qui se meut par lui-même. Gassendi explique la chute des corps par l’attraction de la terre : mais cette attraction ne peut pas être une actio in distans. Si quelque chose de la terre ne s’ajoutait pas à la pierre et ne venait pas la saisir, la pierre ne s’inquiéterait pas du tout de la terre ; de même l’aimant doit saisir le fer, quoique d’une manière invisible, pour l’attirer à soi. Mais, pour qu’on ne voie pas dans cette attraction le jet grossier de harpons ou d’hameçons, Gassendi l’explique par l’exemple remarquable de l’enfant attiré par la pomme que ses sens seuls lui ont fait connaître (11). N’oublions pas que Newton, qui, sur ce point, suivit les traces de Gassendi, ne se figura nullement sa loi de la gravitation comme une action immédiate à distance (12).

La naissance et la disparition des choses ne sont qu’une réunion et une séparation des atomes. Quand un morceau de bois se brûle, les atomes de la flamme, de la fumée, des cendres, etc., ont déjà existé, mais dans une combinaison différente. Toute modification n’est qu’un mouvement des parties d’un objet ; aussi ce qui est simple ne peut-il pas se modifier, mais seulement continuer à se mouvoir dans l’espace.

Gassendi semble avoir bien senti le côté faible de l’atomisme, l’impossibilité d’expliquer par les atomes et par le vide les facultés intellectuelles et la sensation (voir plus haut, p. 18 et suiv. ; 136 et suiv.) ; car il s’occupe de ce problème en détail ; il fait ressortir aussi clairement que possible les explications présentées par Lucrèce et il s’efforce de leur donner encore plus de poids par de nouveaux arguments. Il avoue toutefois qu’il y a ici quelque chose d’incompréhensible ; mais, ajoute-il, les autres systèmes sont également impuissants en face de cette difficulté (13). Cela n’est pas tout à fait exact, car la forme de la combinaison, d’où résulte ici l’effet, est quelque chose de réel pour les aristotéliciens ; pour l’atomistique au contraire, elle n’est rien.