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plaisait à s’égarer dans les profondeurs obscures du mysticisme ; mais, dans sa hardiesse et son indépendance, il savait aussi quelquefois exprimer ses opinions avec une clarté parfaite.

Bruno était entré d’abord dans l’ordre des dominicains pour se ronsarrer avec plus de loisir à ses études. Mais, devenu suspect d’hérésie, il se vit réduit à s’enfuir ; et dès lors sa vie ne fut plus qu’un long enchaînement d’hostilités et de persécutions. Il séjourna successivement à Genève, à Paris, en Angleterre et en Allemagne ; enfin, par une résolution fatale, il se détermina à rentrer dans sa patrie. En 1592, il tomba entre les mains de l’Inquisition à Venise.

Après plusieurs années de détention, comme il restait inébranlable dans ses idées, il fut condamné à Rome. Dégradé, excommunié, on le livra comme hérétique au bras séculier, avec la recommandation « de le punir aussi doucement que possible et sans effusion de sang ». Cette recommandation signifiait qu’il fût brûlé. Lorsqu’on rendit son arrêt, il s’écria : « Vous éprouvez peut-être une plus grande frayeur en prononçant cette sentence que moi en l’entendant. » Il fut brûlé sur le Campoliore, à Rome, le 17 février 1600. Ses doctrines eurent incontestablement une influence considérable sur le développement ultérieur de la philosophie, mais elles furent eclipsées par celles de Descartes et de Bacon, et Giordano Bruno tomba dans l’oubli comme tant d’autres grands hommes qui marquèrent la période de transition.

La première moitie du XVIIe siècle eut le privilège de recueillir dans le domaine de la philosophie les fruits mûrs de la grande révolution émancipatrice, par laquelle la Renaissance avait successivement fécondé les divers terrains cultivés par l’intelligence humaine. Bacon parut dans les premières années de ce siècle, Descartes vers le milieu ; ce dernier eut pour contemporains Gassendi et Hobbes, que nous pouvons regarder comme les véritables rénovateurs d’une conception matérialiste du monde. Mais les deux cé-