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Mais en général cette réforme de Melanchthon ne tourna pus à l’avantage de l’Allemagne. D’une part, elle ne fut pas assez radicale, Melanchthon lui-même étant, malgré la finesse de ses pensées, entièrement enchaîné par les liens de la théologie et même de l’astrologie ; d’autre part, l’autorité considérable du réformateur et l’influence de son enseignement dans les universités firent revenir l’Allemagne à la scholastique, qui resta maîtresse, même longtemps après Descartes et entrava l’essor de la philosophie allemande.

Il est à remarquer que Melanchthon avait pris l’habitude de faire des leçons régulières de psychologie d’après son propre manuel. Ses idées se rapprochent quelquefois du matérialisme, mais la crainte de l’Église l’empêche d’approfondir la plupart des questions philosophiques. D’après la variante inexacte ἐνδελέχεια (continuité) au lieu de ἐντελέχεια (finalité), Melanchthon disait que l’âme est permanente ; c’était sur cette variante que s’appuyait principalement l’opinion d’après laquelle Aristote aurait admis l’immortalité de l’âme. Amerbach, professeur à Wittenberg, qui écrivit une psychologie rigoureusement aristotélique, eut avec Mélanchthon, in propos de cette variante, une polémique si vive que quelque temps après il quitta Wittenberg et rentra dans le giron du catholicisme.

Un troisième ouvrage relatif à la psychologie parut à peu près à cette époque ; il était de l’espagnol Louis Vivès.

On doit regarder Vivès comme le plus grand réformateur de la philosophie de son époque et comme un précurseur de Bacon et de Descartes. Sa vie entière fut un combat incessant et victorieux contre la scholastique : « Les véritables disciples d’Aristote, disait-il, doivent le laisser de côté et consulter la nature elle-même, comme faisaient d’ailleurs les anciens. Pour connaître la nature, on ne doit pas s’attacher à une tradition aveugle ni à des hypothèses subtiles : il faut l’étudier directement par la voie de l’expérimentation. » Malgré cette remarquable intuition des vrais principes de l’étude de