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teau fort de la barbarie », Padoue défiait les humanistes qui, particulièrement en Italie, penchaient vers Platon, dont ils admiraient le brillant style et le talent d’exposition ; cependant à quelques rares exceptions près, ils se gardaient de s’enfoncer dans les profondeurs mystiques du platonisme.

Les scholastiques de Padoue éclairés, mais enchaînés à leurs traditions, bravèrent, aussi longtemps qu’il leur fut possible, les savants qui étudiaient la nature, de même qu’ils avaient brave les humanistes. Cremonini, dernier représentant de cette école, professa à l’université de Padoue en même temps que Galilée. Celui-ci ne touchait qu’une modique somme pour enseigner les éléments d’Euclide, tandis que Cremonini recevait 2000 florins pour ses leçons sur l’histoire naturelle d’Aristote. On raconte que, lorsque Galilée eut découvert les satellites de Jupiter, Cremonini ne voulut plus regarder dans aucun télescope, parce que cette découverte tournait contre Aristote. Cremonini était cependant un libre penseur, dont l’opinion sur l’âme, bien que différent de celle d’Averroès, n’était nullement orthodoxe et il défendit son droit d’enseigner le système d’Aristote, avec une fermeté dont on doit lui tenir compte (46).

Un homme, dans cette série de libres penseurs scholastiques, mérite une place spéciale : Pierre Pomponace, auteur d’un opuscule sur l’Immortalité de l’âme publié en 1516. — Cette question était alors si populaire en Italie que les étudiants sommaient tout professeur débutant dont ils voulaient connaître les tendances, de commencer par leur dire ce qu’il pensait de l’âme (47) ; et l’opinion orthodoxe ne paraît pas avoir été le plus en faveur parmi eux, car Pomponace était leur maître chéri, lui qui, sous prétexte d’enseigner la vérité double, dirigea contre la théorie de l’immortalité les attaques peut-être les plus hardies et les plus subtiles que l’on eût encore publiées.

Pomponace n’était pas averroïste ; il fonda au contraire une école qui fit une guerre acharnée à l’averroïsme et s’atta-