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monde sont les seuls philosophes. » « Les discours des théologiens reposent sur des fables (43). »

Il est vrai que nous ne connaissons pas les auteurs de ces thèses ; elles n’ont, pour la plupart, peut-être jamais été soutenues ou du moins elles ne l’ont pas été dans des assemblées publiques, mais seulement dans des conférences ou discussions scolaires ; toutefois, l’énergie avec laquelle les évêques guerroyaient contre le mal, prouve suffisamment que la tendance intellectuelle, qui produisait de pareilles assertions, était assez générale et qu’elle se manifestait avec une grande hardiesse. La déclaration, si modeste en apparence, que ces assertions n’ont qu’« une valeur philosophique » en regard d’affirmations comme celles qui plaçaient la philosophie bien au-dessus de la théologie et voyaient dans cette dernière un obstacle au progrès scientifique, cette déclaration n’était qu’un bouclier contre la persécution, qu’un moyen de battre en retraite devant la possibilité d’un procès. Il existait aussi alors un parti qui soutenait ces thèses non pas accidentellement, à propos de l’interprétation d’Aristote, mais systématiquement pour faire opposition aux dominicains orthodoxes. Le même fait se produisit aussi en Angleterre et en Italie, où l’on vit émettre au XIIIe siècle, comme à Paris, des assertions analogues, condamnées par les évêques (44).

En Italie, à l’université de Padoue, l’averroïsme jetait alors dans l’ombre de fortes et profondes racines. Cette école était à la tête du mouvement intellectuel dans tout le nord-ouest de l’Italie et se trouvait elle-même sous l’influence des hommes d’État et des négociants de Venise (45), qui avaient l’expérience des affaires politiques et penchaient vers un matérialisme pratique. L’averroïsme s’y maintint jusqu’au XVIIe siècle, tout en conservant pieusement le culte d’Aristote et en gardant complètement la barbarie de la scholastique ; on l’y combattait moins que dans les autres universités ; aussi passait-il plus inaperçu. Comme un « châ-