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Une fois délivrés de la tutelle de la tradition néoplatonicienne, les scolastiques, aventurant dans les profondeurs de l’aristotélisme, durent bientôt trouver tant de difficultés dans la théorie des généralités ou, pour parler plus nettement, dans la théorie du mot, de l’idée et de la chose, que l’on vit surgir de nombreuses solutions du grand problème. Comme Prantl nous l’a montré, dans son Histoire de la logique en Occident, nous voyons, en effet, pour ce qui concerne l’histoire spéciale, apparaître si la place des trois conceptions générales (universalia ante rem, post rem aut in re) des combinaisons et des tentatives de conciliation très-variées ; et l’opinion, que les universalia naissent, à proprement parler, dans l’esprit humain, se trouve isolément même chez des écrivains, partisans déclarés du réalisme (37).

Outre la publication des œuvres complètes d’Aristote, l’averroïsme peut aussi avoir exercé quelque influence sur le développement du matérialisme, bien que, comme précurseur de ce dernier, il n’appelle tout d’abord l’attention qu’au point de vue de la libre pensée. En effet, la philosophie arabe, malgré son penchant pour le naturalisme, est éminemment réaliste dans le sens des sectes du moyen âge, c’est-à-dire platonisante ; et son naturalisme lui-même prend volontiers une teinte mystique. Cependant les commentateurs arabes, en agitant vigoureusement les questions précitées et surtout en poussant aux réflexions individuelles plus approfondies, peuvent avoir indirectement favorisé le nominalisme. Mais l’influence principale partit d’un côté d’où on ne l’attendait guère : de la logique byzantine si décriée pour ses subtilités et ses abstractions (38).

On doit être surpris de voir que, précisément la scolastique extrême, la logique ultra-formaliste des écoles et de la dialectique sophistiqué, soit associée au réveil de l’empirisme, qui finit par balayer toute la scolastique ; et cependant nous pouvons suivre jusqu’à notre époque les traces de cette connexion. L’empiriste le plus ardent, parmi