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tranquillité. Plus tard, quand Wolff en vint à attribuer à la matière la force d’inertie (vis inertiæ) et que les physiciens lui assignèrent empiriquement les propriétés de la pesanteur et de l’impénétrabilité, tandis que celles-ci par elles-mêmes devaient être des formes, l’affreux portrait fut bientôt achevé :

« La matière est une substance obscure, inerte, immobile et absolument passive. »

« Et cette substance penserait ? » dit un parti, tandis que d’autres se demandent s’il y a des substances immatérielles, parce que, dans le langage vulgaire et quotidien, l’idée de substance s’est identifiée avec celle de matière.

Ces transformations d’idées ont été sans doute amenées, en partie, par le matérialisme moderne ; mais l’action prolongée des idées d’Aristote et l’autorité de la religion eurent assez de force pour diriger vers une autre voie les effets de cette influence. Les deux hommes, qui contribuèrent le plus à modifier l’idée de matière, furent assurément Descartes et Newton. Tous deux, en réalité, adoptent l’atomistique renouvelée par Gassendi (bien que Descartes s’en cache le plus possible en niant le vide) ; mais tous deux diffèrent de Démocrite et d’Épicure, en séparant le mouvement de la matière ; ils font naître le mouvement de la volonté de Dieu, qui crée d’abord la matière, puis lui imprime le mouvement par un acte qu’en esprit du moins, on peut séparer.

Au reste les théories d’Aristote se maintinrent le plus longtemps et comparativement avec le plus de pureté sur le terrain spécial, où les questions du matérialisme sont particulièrement décisives, sur le terrain de la psychologie. Le fond de cette psychologie est le sophisme de la possibilité et de la réalité. En effet Aristote définit l’âme la réalisation d’un corps organique, qui à la vie « en puissance » (30). Cette explication n’est ni aussi énigmatique ni aussi riche de sens que bien des philosophes ont voulu le dire. « Réalisation » au ou « achèvement » est rendu par entéléchie (ἐντελέχεια) et il