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but du monde, est la cause première de tout mouvement. Il n’y avait pas lieu d’espérer qu’Aristote regardât la matière comme se mouvant par elle-même, attendu qu’il ne lui attribue que la propriété négative de pouvoir tout devenir.

La même erreur sur la possibilité, qui exerce une si fâcheuse influence sur l’idée de la matière, se retrouve dans les rapports de l’objet permanent avec ses états variables ou, pour employer le langage du système, dans les rapports de la substance avec l’accident. La substance est l’essence, existant par elle-même, de la chose ; l’accident, propriété fortuite, n’est dans la substance qu’ « en tant que possibilité ». Or il n’y a pas de hasard dans les choses, bien que, par ignorance des vraies causes, je doive donner à certaines choses l’épithète de fortuites.

La possibilité d’une propriété ou d’un état quelconque ne peut pas être inhérente à une chose. Cette possibilité n’est que l’objet d’une combinaison d’idées (combinirenden Vorstellung). Aucune propriété ne peut se trouver dans les choses comme simplement possible, la possibilité n’étant pas une forme d’existence, mais une forme de pensée. Le grain de blé n’est pas une tige possible, ce n’est qu’un grain de blé. Quand un drap est mouillé, cette humidité, au moment où le drap se trouve dans cet état, existe nécessairement en vertu de lois générales, tout aussi bien que les autres propriétés du drap ; et si, avant de le mouiller, on regarde cette humidité comme pouvant lui être communiquée, le drap, que l’on veut plonger dans l’eau, n’a pourtant absolument pas de propriétés différentes de celles d’un autre drap, sur lequel on ne veut pas faire cette expérience.

La séparation idéale de la substance et de l’accident est assurément un moyen commode et peut-être indispensable de s’orienter ; mais on doit reconnaître que la différence de la substance et de l’accident disparaît devant un examen approfondi. Il est vrai que chaque chose a certaines propriétés unies entre elles d’une manière plus durable que d’autres ;