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siques, l’averroïsme ait été le précurseur du matérialisme moderne. Malgré cela, les deux systèmes sont diamétralement opposés ; et l’averroïsme n’en mérite pas moins d’être considéré comme un des piliers de la scolastique. Par son culte exclusif d’Aristote et par l’affirmation des principes, que nous examinerons de plus près dans le chapitre suivant, il a rendu longtemps impossible une conception matérialiste de l’univers.

Outre la philosophie, nous devons à la civilisation arabe du moyen âge un autre élément, peut-être encore plus intimement lié in l’histoire du matérialisme. Ce sont les résultats acquis sur le terrain des recherches positives, des mathématiques et des sciences physiques dans la plus large acception du mot. On connaît généralement (18) les éminents services rendus par les Arabes en astronomie et en mathématique. Ce furent précisément ces études qui, se rattachant aux doctrines léguées par les Grecs, firent renaître l’idée de l’ordre et de la marche régulière du monde. Ce mouvement intellectuel se produisit à une époque, où la foi dégénérée du monde chrétien avait jeté, dans les idées morales et logiques, une confusion telle qu’on n’en avait jamais vu de semblable dans le paganisme gréco-romain ; à une époque, où tout paraissait possible, où rien ne semblait nécessaire et où l’on ouvrait une barrière illimitée aux caprices d’êtres, que l’imagination dotait sans cesse d’attributions nouvelles.

Le mélange de l’astronomie et des rêveries de l’astrologie ne fut donc pas aussi pernicieux qu’on pourrait le croire. L’astrologie et sa parente, l’alchimie, avaient alors (19) les formes régulières d’une science ; et, telles que les pratiquaient les Arabes et les savants chrétiens du moyen âge, elles différaient de beaucoup du charlatanisme extravagant qui se produisit au XVIe et surtout au XVIIe siècle, alors qu’une science plus rigoureuse avait rejeté de son sein ces éléments superstitieux. D’un côté, l’examen que ces deux sciences, combinées de bonne heure, firent des mystères importants