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nonçaient le plus souvent le nom après celui d’Aristote, ne fut nullement une étoile de première grandeur au ciel de la philosophie mahométane. Tout le mérite d’Averroès est d’avoir résumé les résultats de la philosophie arabe-aristotélique, dont il fut le dernier représentant éminent, et de les avoir transmis à l’Occident avec ses commentaires sur Aristote, où s’accuse une très-grande activité littéraire. Cette philosophie est née, comme la scholastique chrétienne, d’une interprétation du système d’Aristote, colorée d’une teinte de néo-platonisme ; mais, tandis que les scholastiques de la première période ne possédaient qu’une faible partie des traditions péripatéticiennes, avec un mélange et une prédominance de la théologie chrétienne, les Arabes reçurent des écoles syriennes une bien plus grande abondance de renseignements ; et, chez eux, la pensée sut mieux s’affranchir de l’influence de la théologie, qui suivit ses voies propres dans la spéculation. Le côté physique du système d’Aristote (voir p. 76 et 77) put donc se développer chez les Arabes d’une manière tout à fait inconnue à l’ancienne scholastique ; aussi l’« averroïsme » fût-il considéré par l’Église chrétienne comme la source des hérésies les plus pernicieuses. Nous devons mentionner ici spécialement trois points : l’éternité du monde et de la matière dans son opposition avec la théorie chrétienne de la création ; les rapports de Dieu avec le monde, Dieu n’agissant que sur le monde extrême des étoiles fixes, et ne réglant qu’indirectement les affaires terrestres, au moyen des étoiles, ou bien Dieu et le monde se fondant ensemble comme le veut le panthéisme (16) ; enfin la théorie de l’unité d’essence de la raison, seule immortelle dans l’homme : cette doctrine supprime l’immortalité individuelle, la raison n’étant que la lumière une et divine qui éclaire l’âme humaine et crée la connaissance (17).

On comprend que de pareilles doctrines devaient produire un effet dissolvant dans le monde gouverné par le dogme chrétien ; et que par là, de même que par ses éléments phy-