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À ce point de vue, qui est à vrai dire celui de la foi du charbonnier, la science reste aussi impossible qu’elle l’était sous le règne de la foi païenne.

Mais lorsque, d’une façon libre et grandiose, on attribue à un seul et même Dieu la direction unique du monde, la corrélation des choses par le lien de la cause à l’effet devient non-seulement admissible, mais elle est encore une conséquence nécessaire de l’hypothèse. Si je vois quelque part en mouvement des milliers de roues et que je conjecture qu’un seul homme leur imprime le mouvement, j’en devrai conclure que j’ai devant moi un mécanisme, dans lequel le mouvement de la moindre pièce est déterminé invariablement par le plan de l’ensemble. Cela posé, il faut encore que je connaisse la structure de la machine et que j’en comprenne la marche, du moins pièce par pièce ; le terrain de la science se trouve ainsi libre pour le moment.

Grâce à cette hypothèse, on put développer la science et l’enrichir de matériaux positifs pendant des siècles, avant de se croire obligé à conclure que cette machine n’était qu’un perpétuel mobile. Une fois formulée, cette conclusion devait paraître confirmée par un tel nombre de faits qu’à côté dieux, l’arsenal des anciens sophistes nous semble bien faible et bien pauvre.

Ici nous pouvons comparer le monothéisme à un lac immense, qui reçoit les flots de la science, jusqu’au moment où soudain ils commencent à percer la digue (11).

Le monothéisme offre un autre avantage. Son principe fondamental possède une souplesse dogmatique et présente une telle richesse d’interprétations spéculatives qu’il peut continuer à alimenter la vie religieuse, au milieu des civilisations les plus variables et des plus grands progrès de la science. Au lieu de susciter aussitôt une guerre d’extermination germination entre la religion et la science, l’hypothèse que le principe qui gouverne l’univers, revient sur lui-même et se conforme à des lois éternelles, fit naître l’idée d’éta-