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du renoncement vint se joindre celui de la fraternité universelle, qui ouvrit de nouvelles sources de jouissances morales aux cœurs que l’égoïsme avait desséchés. L’aspiration de l’âme errante et isolée vers une forte solidarité et vers une foi positive fut satisfaite. L’union des fidèles, l’imposante unité des communautés sous la diversité infinie de leurs ramifications dans toute l’étendue de l’empire, firent, pour la propagation de la nouvelle religion, encore plus que la multitude des histoires merveilleuses, racontées et facilement accueillies comme vraies. Le miracle était en général bien moins un instrument de propagande qu’une satisfaction supplémentaire, un besoin invincible de la foi, dans un temps passionné et crédule au delà de toute expression pour les prodiges. Sous ce rapport, non-seulement les prêtres d’Isis et les mages faisaient concurrence au christianisme, mais encore des philosophes se posaient comme thaumaturges et apôtres, envoyés de Dieu. Ce que les temps modernes ont vu faire à un Cagliostro et à un Gassner n’est qu’une faible image des merveilles accomplies par un Apollonius de Tyane, le plus célèbre des prophètes, dont les miracles et les prédictions sont admis en partie, même par Lucien et Origène. Mais ici encore on sapèrent que la vertu durable de faire des miracles n’appartient qu’au principe simple et logique : telle fut la nature du miracle qui réunit lentement et progressivement les nations et les religions morcelées autour des autels du Christ (7).

En annonçant l’Évangile aux pauvres, le christianisme bouleversa le monde antique de fond en comble (8). Ce qui doit être visible et se réaliser à la fin des temps, les âmes crédules le virent en esprit : le royaume de l’amour, où les derniers seront les premiers. Au rigide droit romain, qui édifiait l’ordre sur la force et faisait de la propriété le fondement inébranlable de la société humaine, vint supposer, avec une puissante irrésistible, le précepte impérieux de renoncer il toute propriété, d’aimer son ennemi,