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Quod bene si videant animo dictisque sequantur,
Dissolvant animi magno, se angore metuque.
« Tu quidem, ut es letho sopitus, sic eris ævi
Quod superest, cunctis privatu’ doloribus ægris.
At nos horrifico cinefactum te prope busto
Insatiabiliter deflebimus, æternumque
Nulla dies nobis mœrorem e pectore demet. »
Illud ab hoc igitur quærendum est, quid sit amari
Tantopere, ad somnum si res redit atque quietem,
Cur quisquam æterno possit tabescere luctu[1]. »


La fin du troisième livre, à partir du passage que nous venons de citer, renferme d’excellentes et remarquables pensées. Le poëte fait parler la nature elle-même, qui démontre à l’homme l’inanité de la crainte de la mort. Il tire un très-bon parti des mythes effrayants relatifs au monde souterrain, et il les explique à l’aide des passions et des souffrances humaines. On croirait souvent entendre un rationaliste du XVIIIe siècle, s’il ne s’agissait pas de conceptions classiques.

Tantale, aux enfers, n’éprouve pas la vaine crainte de voir tomber sur sa tête le rocher qui la menace ; mais les mortels, durant leur vie, sont tortures par la crainte des dieux et de la mort. Tityos n’est pas le géant du monde souterrain,

  1. « Mais, dans ta riante demeure, tu ne seras plus accueilli par ta vertueuse compagne, tes enfants chéris ne se disputeront plus les baisers paternels, une douce joie ne circulera plus dans ta poitrine. Tu ne pourras plus par tes exploits te défendre toi et les tiens, malheureux, ô malheureux ! diront-ils. Une seule journée funeste t’a enlevé toutes les jouissances de la vie. Ils oublient d’ajouter : « Tu n’auras plus le moindre désir de ce bonheur. » Si leur esprit concevait bien cette vérité et si les faits répondaient aux paroles, ils seraient délivrés d’un grand chagrin et d’une grande frayeur. Pour toi, une fois assoupi par la mort, tu resteras, durant l’éternité entière, affranchi de toute douleur et de toute souffrance. Quant à nous, lorsque l’horrible bûcher t’aura réduit en cendres, nous ne nous lasserons pas de te pleurer et le temps n’arrachera pas de notre cœur cette éternelle désolation. Mais on pourra nous objecter : si tout se réduit au sommeil et au repos, où est donc l’amertume qui vous pousse à vous consumer dans d’éternels regrets ? »