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sent les hommes vers le crime. La pauvreté paraît déjà être la porte de la mort si ceux dont le cœur n’a pas été purifié par la sagesse. Pour échapper à la mort autant que possible, l’homme accumule trésors sur trésors par les crimes les plus honteux ; la crainte de la mort peut même aveugler au point que l’on recherche ce que l’on fuit : elle peut pousser au suicide, en rendant la vie intolérable.

Lucrèce distingue l’âme (anima) de l’esprit (animus). Les deux, dit-il, sont des parties du corps humain étroitement liées l’une à l’autre. L’esprit est un organe de l’être vivant, comme la main, le pied et l’œil. Il rejette l’opinion qui fait de l’âme la simple harmonie de toute la vie corporelle. La chaleur et l’air vital, qui, au moment de la mort, abandonnent le corps, composent l’âme, dont la partie la plus subtile, la plus intime, est l’esprit qui à son siège dans la poitrine et seul éprouve des sensations. Tous deux sont de nature corporelle et formés des atomes les plus petits, les plus ronds et les plus mobiles.

Quand le bouquet du vin s’évapore ou quand le parfum d’un onguent se perd dans l’air, on ne remarque aucune différence dans le poids. Il en est de même du corps, quand l’âme a disparu.

La difficulté, qui revient nécessairement ici, de préciser le siège de la sensation, se trouve, sur le point le plus important, complètement éludée par le système d’Épicure ; et, malgré les progrès considérables faits par la physiologie, le matérialisme du XVIIIe siècle n’est pas plus avancé qu’Épicure. Les atomes, pris un à un, n’éprouvent pas de sensations ; leurs sensations d’ailleurs ne se fondraient pas entre elles ; le vide, qui n’a pas de substratum ad hoc, ne peut ni servir à les transmettre ni surtout éprouver des sensations en même temps que les atomes.

On finit toujours par se heurter contre cette assertion : le mouvement des atomes est une sensation.

Épicure et Lucrèce s’efforcent en vain de dissimuler cette