Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/190

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

impossible de déterminer (67). La moindre déviation de la ligne parallèle produisit, dans le cours des temps, une rencontre, une collision entre les atomes. Cela une fois admis, les formes diverses des atomes amenèrent les tourbillons, les combinaisons et les désagrégations les plus compliqués. Mais où trouver l’origine de la déviation dont il s’agit ? (C’est ici que le système d’Épicure présente une lacune fâcheuse. Lucrèce résout le problème ou plutôt tranche la difficulté en montrant que l’homme et les animaux ont des mouvements volontaires (68).

Tandis que le matérialisme moderne s’efforce surtout d’attribuer à des causes mécaniques l’ensemble des mouvements volontaires, Épicure admet dans son système un élément tout à fait rebelle au calcul. Il explique bien la plupart des actes de l’homme par le mouvement des parties matérielles, un mouvement en provoquant toujours un autre. Mais ici nous nous heurtons contre une violation évidente et brutale de la série causale ; l’auteur nous laisse de plus dans une véritable incertitude sur l’essence du mouvement. La volonté libre produit chez l’être vivant (voir Lucrèce II, vers 263-274), en peu de temps, des effets remarquables ; ainsi le cheval, quand s’ouvre la barrière, s’élance dans l’hippodrome. Et cependant le commencement serait un choc presque imperceptible de quelques atomes de l’âme. Il s’agit ici d’une conception pareille à celle qui concerne la théorie de l’immobilité de la terre au centre de l’univers, dont il sera question plus loin.

Démocrite n’a probablement pas partagé toutes ces erreurs, que du reste nous apprécierons avec moins de sévérité, si nous remarquons que, même encore aujourd’hui, dans la question du libre arbitre, quelle que soit la subtilité métaphysique qu’on y déploie, le principal rôle est encore joué par l’ignorance et par les illusions des sens.

Pour expliquer le repos apparent des objets, dont les molécules subissent cependant toujours un mouvement très-vif,