Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/188

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Efficit ut largis avidum mare fluminis undis
Integrent amnes et solis terra vapore
Fota novet fetus summissaque gens animantum
Floreat et vivant labentes ætheris ignes[1].


Regarder la finalité simplement comme un cas spécial de tout ce qui peut être conçu est une grande pensée ; non moins ingénieuse est la pensée qui nous fait rapporter la convenance de ce qui se conserve à la conservation de ce qui est convenable. Un monde qui se maintient par lui-même n’est par conséquent qu’un cas qui doit se produire de lui-même dans le cours de l’éternité, par les innombrables combinaisons des atomes ; et c’est uniquement parce que la nature de ces mouvements permet qu’ils se conservent dans le grand tout et se reproduisent à l’infini, que ce monde acquiert la stabilité dont nous jouissons.

Dans le deuxième livre, Lucrèce explique avec plus de détail le mouvement et les propriétés des atomes. Les atomes, dit-il, sont toujours en mouvement et, d’après la loi de la nature, ce mouvement a été, est et sera éternellement une chute uniforme à travers le vide infini.

Mais ici le système d’Épicure se heurte contre une grande difficulté : comment la formation de l’univers pourrait-elle résulter de cette chute éternelle et uniforme de tous les atomes ? Démocrite (voir plus haut, p. 18 et suiv.) fait tomber

  1. « Ce n’est pas à dessein ni après mûre réflexion que les éléments primordiaux des choses ont pris leurs places ; ils ne se sont pas concertés pour leurs mouvements. Mais heurtés de mille manières dans leurs déplacements à travers le monde, durant un temps infini, après avoir éprouvé tous les modes de mouvements et dissociations, ils finissent par prendre des positions telles qu’ils donnent naissance à l’ensemble des créatures. Grâce à cet ensemble qui se conserve pendant de longues années, une fois qu’il a reçu les impulsions convenables, la mer est alimentée par les ondes abondantes des fleuves ; la terre, échauffée par l’ardeur du soleil, prodigue les récoltes et les fruits nouveaux ; les races dociles des animaux prospèrent et les feux aériens vivent dans l’espace. »