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comme des changements réalisés dans les corps ou s’accomplissant dans l’espace.

Tous les corps sont simples ou composés ; les corps simples, les atomes, que Lucrèce appelle d’ordinaire : commencements, principes ou origines des choses ont primordial renom) ne peuvent être détruits par aucune force. La divisibilité à l’infini est impossible ; car chaque objet se dissolvant plus aisément et plus vite qu’il ne se forme, la destruction pendant l’éternité irait si loin que le rétablissement des choses ne pourrait s’effectuer. C’est uniquement parce que la divisibilité a des limites que les choses peuvent se conserver. D’ailleurs la divisibilité à l’infini détruirait la régularité dans la production des êtres ; en effet, si les corps ne consistaient pas en molécules immuables et presque imperceptibles, tout pourrait naître sans règle fixe et sans enchaînement.

La négation de la divisibilité infinie est la pierre angulaire de la théorie des atomes et du vide. Le poëte fait ensuite une pause et attaque d’autres systèmes cosmogoniques, notamment ceux d’Héraclite, d’Empédocle et d’Anaxagore. Il faut remarquer ici l’éloge d’Empédocle ; nous avons déjà fait ressortir l’affinité de ses doctrines avec le matérialisme. Après une magnifique description de la Sicile, le poète continue :



Quæ cum magna modis multis miranda videtur
Gentibus huinanis regio visendaque fertur,
Rebus opima bonis, multa munita virum vi,
Nil tamen hoc habuisse viro præclarius in se,
Nec sanctum magis et mirum, carumque videtur.
Carmina quin etiam divini pectoris ejus
Vociferantur et exponunt præclara reperta,
Ut vix humana videatur stirpe creatus[1] (63).

  1. « Cette contrée passe pour grande sous bien des rapports ; elle excite l’admiration du genre humain et mérite d’être visitée, pour l’excellence de ses productions et pour le nombre prodigieux de ses habitants. Cependant elle paraît n’avoir rien possédé de plus illustre, de plus admirable, de plus précieux que cet homme. De sa divine poitrine sortent des chants poétiques qui exposent ses brillantes découvertes, et c’est à peine si on peut le regarder comme n’appartenant qu’à la race humaine. »