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conciliation de la science et de la philosophie, qui est son objet capital. Quelle idée se fait-il de l’une et de l’autre ? Quelles limites leur assigne-t-il ? Comment réussit-il il faire taire des prétentions jalouses ? Et n’a-t-il pas, à son insu peut-être, fait peser surtout sur l’un des deux adversaires les conditions du traité de paix qu’il a voulu conclure entre eux ?

Telles sont les principales questions auxquelles nous nous proposons de répondre.

Qu’est-ce que la science pour Lange ? Une explication rationnelle, c’est-à-dire faite pour la généralité des intelligences, du monde subjectif de nos sensations individuelles. Pour que cette explication ait le caractère de l’universalité, il faut qu’elle soit vérifiable, indépendante de l’arbitraire des sujets connaissants. Il faut en écarter rigoureusement tout ce qui échappe au contrôle. Non-seulement l’imagination, les préjugés, les passions n’y auront aucune part ; mais toutes ces impressions qui varient avec la diversité des organisations sensibles, toutes ces certitudes que la conscience conçoit, mais dont elle ne peut fournir la preuve aux autres, en seront impitoyablement écartées. Ce n’est pas encore assez dire. La science n’est pas moins faite pour agir que pour comprendre. Elle n’aspire même à la connaissance qu’en vue de l’action. « La science est conquérante », selon le mot de notre Claude Bernard. Les faits qui ne servent pas à l’action du savant ne sont pas du domaine de l’investigation scientifique. Le monde que la science ambitionne de découvrir ou plus justement de construire, c’est le monde de la réalité et de l’action pour tous ; c’est, dans toute la force étymologique du mot allemand, la Wirklichkeit. Les