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les phénomènes soigneusement observés. Dès que l’on quitte le chemin de l’observation, on perd la trace de la nature et l’on est entraîné vers les chimères.

Du reste, la physique d’Épicure est presque absolument celle de Démocrite, mais elle nous est parvenue avec de plus nombreux détails. Les points essentiels se trouvent dans les aphorismes suivants : Rien ne vient de rien, sans quoi tout se ferait de tout. Tout ce qui existe est corps ; le vide seul est incorporel.

Parmi les corps, les uns résultent de combinaisons ; les autres sont les éléments de toute combinaison. Ces derniers sont indivisibles et absolument immuables.

L’univers est infini, par conséquent le nombre des corps doit aussi être infini.

Les atomes sont continuellement en mouvement : tantôt ils sont très éloignés les uns des autres ; tantôt ils se rapprochent et s’unissent. Il en est ainsi de toute éternité. Les atomes n’ont d’autres propriétés que la grandeur, la forme et la pesanteur.

Cette thèse, qui nie formellement l’existence d’états internes en opposition avec des mouvements et des combinaisons externes, constitue un des points caractéristiques du matérialisme en général. En admettant des états internes dans les choses, on fait de l’atome une monade, et l’on penche vers l’idéalisme ou le naturalisme panthéistique.

Les atomes sont plus petits que toute grandeur mesurable. Ils ont une grandeur, mais on ne peut la déterminer : elle échappe à toutes nos mesures.

Il est pareillement impossible de déterminer, vu sa brièveté, le temps que durent les mouvements des atomes dans le vide ; leurs mouvements s’y exécutent sans aucun obstacle. Les formes des atomes sont d’une inexprimable variété ; toutefois, le nombre des formes visibles n’est point illimité, sans quoi les formations possibles de corps dans l’univers ne pourraient être renfermées dans des limites déterminées, quelque reculées qu’on les supposât (58).