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réellement convaineu que ne pas vivre n’est plus un mal.

Tout plaisir est un bien, toute douleur est un mal ; mais il ne s’ensuit pas qu’il faille poursuivre tout plaisir ni fuir toute souffrance. Les seules voluptés durables sont la paix de l’âme et l’absence de la douleur : elles constituent la fin réelle de l’existence.

Sur ce point, il y a une différence tranchée entre Épicure et Aristippe, qui mettait le plaisir dans le mouvement et regardait la jouissance du moment comme le but de chaque action. La vie orageuse d’Aristippe, comparée à la paisible existence d’Épicure dans son jardin, montre comment ce contraste passa de la théorie dans la pratique. La jeunesse turbulente et la vieillesse paisible de la nation et de la philosophie grecques semblent se refléter dans ces deux philosophes.

Bien qu’Épicure ait beaucoup appris d’Aristippe, il le combat en déclarant le plaisir intellectuel plus relevé et plus noble que le plaisir sensuel, car l’esprit trouve des émotions non-seulement dans le présent, mais encore dans le passé et dans l’avenir.

Épicure était conséquent avec lui-même, en disant qu’il fallait pratiquer les vertus pour le plaisir qu’elles donnent, comme on exerce la médecine pour rendre la santé ; mais il ajoutait que l’on pouvait tout séparer du plaisir excepté la vertu ; tout le reste, étant périssable, pouvait en être détaché. Dans cette question, la logique rapprochait Épicure de ses adversaires Zénon et Chrysippe, qui voyaient le bien dans la vertu seule. Toutefois, la différence des points de départ produisit les plus grandes divergences entre les systèmes.

Épicure fait dériver toutes les vertus de la sagesse, qui nous enseigne que l’on ne saurait être heureux sans être sage, généreux et juste, et que, réciproquement, on ne peut être sage, généreux et juste sans être réellement heureux. Épicure met la physique au service de la morale, et cette position subalterne où il la maintient devait avoir une influence funeste sur son explication de la nature. L’étude de la nature n’ayant