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trons chez Platon. Une fois admis que l’essence des individus est dans l’espèce, il s’ensuit qu’en montant d’un degré on doit trouver dans le genre, etc., l’essence de l’espèce, autrement dit la raison des espèces.

On retrouve clairement l’influence prépondérante des idées platoniciennes dans la méthode de recherche qu’Aristote a l’habitude d’employer. On ne tarde pas à voir que la méthode inductive, qui part des faits pour remonter jusqu’aux principes, est restée pour Aristote lui-même à l’état de pure théorie et qu’il ne l’emploie presque nulle part. Il cite à peine quelques faits isolés et s’élance aussitôt aux principes généraux qu’il maintient dès lors comme dogmes, et dont il fait l’application par la méthode purement déductive (54). Ainsi Aristote démontre, d’après les principes généraux, qu’il ne peut rien y avoir en dehors de notre unique sphère cosmique ; c’est ainsi qu’il arrive a sa funeste doctrine du mouvement « naturel » de chaque corps en opposition au mouvement « forcé » ; c’est ainsi qu’il affirme que le côté gauche du corps est plus froid que le côté droit ; qu’une matière se change en une autre ; que le mouvement est impossible dans le vide ; qu’il y a une différence absolue entre le froid et le chaud, le lourd et le léger, etc. C’est ainsi qu’il détermine a priori combien il peut y avoir d’espèces d’animaux. Il prouve, d’après les principes généraux, que les animaux doivent avoir tels ou tels organes, et établit enfin quantité d’autres thèses qu’ensuite il ne cesse d’appliquer avec la plus inflexible logique, et dont l’ensemble rend complètement impossible toute recherche fructueuse. La mathématique est naturellement la science que la philosophie de Platon et celle d’Aristote traitent avec une prédilection marquée : on sait en effet quels brillants résultats la méthode déductive en a fait sortir. Aristote regarde les mathématiques comme la science modèle ; mais il en interdit l’application à l’étude de la nature, en ramenant partout la quantité à la qualité : il prend ainsi la voie diamétralement