Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/129

Cette page a été validée par deux contributeurs.

remplacé l’expression devenue trop terne d'idée, se meut toujours, déité, parmi les déités, dans les régions de la lumière, et aujourd’hui comme dans l’antique Hellade, elle est encore assez puissante pour nous élever sur ses ailes, au-dessus des misères de la réalité terrestre, et nous permettre de nous réfugier dans les sphères de l’idéal.

Ne consacrons ici que quelques mots à Aristote, dont nous apprécierons le système quand nous examinerons l’influence qu’il a exercée sur le moyen âge. Là nous approfondirons les idées les plus importantes que le moyen âge et les temps modernes ont empruntées à sa doctrine en lui faisant subir de nombreuses modifications. Bornons-nous, pour le moment, à en esquisser les traits généraux et à parler de ses rapports avec l’idéalisme et le matérialisme.

Aristote et Platon étant de beaucoup supérieurs, par leur influence et leur valeur, aux philosophes grecs dont nous avons conservé les œuvres, on comprendra aisément qu’on ait voulu les opposer l’un à l’autre, comme les représentants des deux principales tendances de la philosophie : la spéculation a priori et l’empirisme rationnel. À dire vrai, Aristote est resté dans une étroite dépendance de Platon. Le système qu’il a créé, sans parler de ses contradictions internes, joint à l’apparence de l’empirisme tous les défauts de la conception du monde socratico-platonique, défauts qui altèrent à sa source la recherche empirique (49).

Bien des savants croient encore qu’Aristote fut un grand naturaliste et un grand physicien. La critique a dû s’élever contre cette opinion depuis que l’on sait combien il existait de travaux antérieurs, relatifs à l’étude de la nature (50), avec quel sans-gêne il sut s’approprier les observations faites par autrui et les renseignements de toute sorte, sans citer les auteurs, et combien d’observations qui lui semblent personnelles sont complètement fausses (51) parce qu’elles n’ont jamais pu se faire ; mais on peut dire que jusqu’ici le prestige d’Aristote n’a pas été combattu assez radicalement.