Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/120

Cette page a été validée par deux contributeurs.

pureté, mais aussi de la façon la plus étroite, les idées de Socrate. Et d’abord les erreurs, contenues dans la conception socratique de l’univers, reçoivent chez Platon des développements considérables, dont l’influence se fit sentir pendant des milliers d’années. Or ces erreurs platoniciennes, en opposition tranchée avec toutes les conceptions du monde qui résultent de l’expérience, sont pour nous d’une importance spéciale. Elles ont joué dans l’histoire de la civilisation un rôle semblable à celui des erreurs du matérialisme ; si elles ne se rattachent pas par des liens aussi immédiats que ceux du matérialisme à la nature de nos facultés logiques, elles n’en reposent que d’autant plus sûrement sur la large base de notre organisation psychologique tout entière. Ces deux conceptions du monde sont des transitions nécessaires de la pensée humaine ; et bien que, dans toutes les questions de détail, le matérialisme ait toujours raison contre le platonisme, la vue d’ensemble, que ce dernier nous présente de l’univers, se rapproche davantage peut-être de la vérité inconnue que nous poursuivons. En tout cas, le platonisme a des relations plus intimes avec la vie de l’âme, avec l’art et avec le problème moral que l’humanité doit résoudre. Mais quelque nobles que puissent être ces relations, quelque bienfaisante qu’ait été, à plus d’une époque, l’influence du platonisme sur l’ensemble du développement de l’humanité, nous n’en sommes pas moins tenus, malgré ces côtés brillants, à dénoncer, dans toute leur étendue, les erreurs de ce système.

Et d’abord un mot sur les tendances générales de l’esprit de Platon. Nous l’avons nommé le plus pur des socratiques, et nous avons vu en Socrate un rationaliste. Notre jugement s’accorde peu avec l’opinion communément répandue qui fait de Platon un mystique, un poète rêveur, opinion d’ailleurs complètement erronée. Lewes, qui combat ce préjugé avec une remarquable perspicacité, caractérise ainsi Platon : « Dans sa jeunesse, il s’adonna à la poésie ; dans son âge